Et si je n'ai pas envie que l'on me prenne mes œuvres ? si je désire conserver un contrôle sur mon travail ?

N’utilisez pas la Licence Art Libre.

Si vous ne voulez pas que l’on puisse prendre votre œuvre, il faut la laisser prendre par celui qui va en avoir l’exclusivité : le marchand, le diffuseur, le propriétaire. Le copyleft ne convient pas à vos envies.

Si vous désirez conserver un contrôle sur votre travail, vous pouvez aussi en conserver une copie originale et laisser celle-ci vierge de toute entreprise (transformation, diffusion, etc). Mais vous ne pouvez pas interdire à quelqu’un d’avoir jouissance d’une copie de votre œuvre, une fois cette dernière sous LAL. Elle est ouverte, ce n’est pas pour la rêver fermée et en contrôler le devenir selon des souhaits particuliers.

Quelle responsabilité ai-je vis-à-vis de mon travail ?

A vous de voir.

La Licence Art Libre est un contrat, vous y êtes lié et ne pouvez manquer à vos obligations.

Comme n’importe quelle autre création de votre crù, votre responsabilité est entière. En mettant une œuvre sous LAL, vous ne vous déchargez pas de vos qualités d’auteur. En revanche, vous n’êtes pas responsable de l’utilisation qui peut être faite de votre travail par d’autres ; vous pouvez d’ailleurs invoquer votre droit moral pour empêcher une utilisation qui, selon vous, dénature votre travail et sa portée.

Dois-je protéger par un dépôt mon œuvre avant de la placer sous Licence Art Libre ?

Non.

Toute œuvre divulguée et correspondant au critère d’originalité est protégée sans qu’un dépôt légal auprès de la BNF ou de l’INPI ne soit nécessaire.

Ces procédures sont éventuellement à votre charge, indépendamment d’une mise sous LAL, pour le cas par exemple d’édition d’œuvres multimédias, littéraires ou encore logicielles. Il vous appartient d’apprécier l’opportunité de vous mettre en conformité avec la réglementation française.

Il est en revanche intéressant, avant de procéder à la divulgation de votre œuvre et la mise sous LAL, de pouvoir apporter la preuve de l’antériorité de votre création en cas de contestation ultérieure par un tiers : une simple lettre recommandée contenant votre œuvre, envoyée à vous-même et conservée non décachetée peut faire office de preuve devant une juridiction.

Puis-je placer toutes sortes d'œuvres sous Licence Art Libre ?

Oui, à condition que ces dernières n’appartiennent pas à des tiers possédant des droits sur elles.

Il vous est déconseillé de placer une œuvre originale sous LAL sans vous être assuré qu’aucun droit n’y est attaché : qu’il s’agisse de droits détenus par un auteur ou un éditeur, ou de droits afférents (tel le droit à l’image d’un figurant, par exemple).
La LAL n’a pas pour fonction d’assurer le « blanchiment » d’œuvre.
Un bon réflexe lorsque vous récupérez un matériau préexistant et que vous voulez le placer sous LAL est de vous demander « A qui appartiennent les droits ? » et pas « Est-ce que c’est libre ? ».

Il vous serait impossible d’invoquer la LAL afin de vous protéger d’une éventuelle revendication d’un tiers concernant une œuvre pourtant protégée et placée sous LAL.
En ce cas, vous perdriez le bénéfice de la LAL et seriez surtout susceptible d’être poursuivi pour contrefaçon par les titulaires de droits originels.
Invoquer alors la bonne foi, l’incompétence juridique ou bien même l’impossibilité de retrouver les titulaires de droits ne pourrait vous exonérer de votre responsabilité.

A quels types d'œuvres convient la Licence Art Libre ?

Cette licence s’applique aussi bien aux œuvres numériques que non numériques. Elle est née de l’observation du monde du logiciel libre et de l’internet, mais son domaine d’application ne se limite pas aux supports numériques.

Vous pouvez mettre une peinture, un roman, un poème, une pièce de théâtre, un dessin, une musique, une sculpture, une installation, un film, un site Web, une œuvre multimédia quelconque, une performance, une recette de cuisine, enfin bref, toute création qui peut se réclamer d’un certain art, protégée en tant que telle par le droit d’auteur (œuvre graphique, sonore, audiovisuelle, dramatique, multimédia, base de donnée).

Quand utiliser la Licence Art Libre ?

Il n’est pas dans le projet de la LAL d’éliminer le copyright ou les droits d’auteurs. Bien au contraire, il s’agit d’en reprendre toute la mesure en tenant compte de l’environnement contemporain, et de se donner le droit à la libre circulation, à la libre copie et la libre transformation des œuvres.

  • A chaque fois que vous voudrez bénéficier et faire bénéficier de ce droit, utilisez la Licence Art Libre.
  • A chaque fois que vous créerez une œuvre, et que vous voudrez qu’elle évolue et puisse être librement copiée, diffusée et transformée : utilisez la Licence Art Libre.
  • A chaque fois que vous voudrez avoir la possibilité de copier, distribuer ou transformer une œuvre : vérifiez bien qu’elle est sous Licence Art Libre, ou que la licence qui y est attachée vous confère les mêmes droits. Dans le cas, contraire vous risqueriez de vous mettre hors la loi.

Pourquoi le copyleft est-il pertinent ?

Le copyleft est né de la recherche fondamentale en informatique, lorsqu’une invention était naturellement disponible et partagée avec d’autres informaticiens afin que la recherche se poursuive. Cette attitude se situe dans la tradition du travail scientifique où la communauté scientifique a comme objet l’avancée de son domaine, sans avoir de compte à rendre à une application directe, et en particulier à une application mercantile.

En art aussi, la recherche fondamentale se fait depuis la nuit des temps sans être divertie par des questions d’application directe; les artistes s’inspirent les uns des autres, inventent par emprunts, découvrent par les informations qui circulent, etc.

On peut citer :

« On m’a dit l’an dernier que j’imitais Byron…
Vous ne savez donc pas qu’il imitait Pulci ?…
Rien n’appartient à rien, tout appartient à tous.
Il faut être ignorant comme un maître d’école
Pour se flatter de dire une seule parole
Que personne ici-bas n’ait pu dire avant vous.
C’est imiter quelqu’un que de planter des choux. »

Alfred de Musset

« La propriété littéraire qui n’a de bornes est injuste, puisque les idées appartiennent à tous, et contraire au progrès des Lumières, puisqu’elle justifie le monopole d’un seul sur un savoir qui doit être un bien commun. Elle ne saurait donc être absolue mais au contraire sévèrement limitée par l’intérêt public. »
Condorcet – Rapport sur l’organisation générale de l’Instruction publique présenté à l’Assemblée nationale législative au nom du Comité d’Instruction publique, les 20 et 21 avril 1792.

« Le texte est un tissu de citations, issues des mille foyers de la culture. L’écrivain ne peut qu’imiter un geste toujours antérieur, jamais originel. C’est le langage qui parle, ce n’est pas l’auteur. »
« L’auteur ne créé rien ni n’invente rien, au sens strict du mot, mais se borne à puiser dans l’observation de la nature et des hommes, des matériaux qu’il rassemble dans un ouvrage déterminé. »
Roland Barthes

« Il n’est pas de mode à notre époque de retracer les hauts faits d’un homme qui repoussa toute prétention à l’originalité. Il appartint à une époque qui se sentait dans le sillage des précédentes, négligeant toute présomption de faire figure de primeur. L’originalité d’un soldat, d’un saint, d’un artiste n’aurait été à leurs yeux que triste superstition. Les temps qui en revanche incitent à l’originalité ne sont pas générateurs d’hommes nouveaux, mais de concurrents, individus qui pour se distinguer agissent tous de façon identique ».
Erri de Luca – « Un nuage comme tapis »

Pourquoi utiliser la Licence Art Libre ?

  • Pour mettre votre œuvre à la disposition du plus grand nombre ;
  • pour la laisser être diffusée librement ;
  • pour lui permettre d’évoluer, en autorisant sa transformation par d’autres ;
  • pour pouvoir vous-même utiliser les ressources d’une œuvre quand celle-ci est sous Licence Art Libre : la copier, la diffuser ou la transformer librement ;
  • pour participer à la constitution d’un domaine public particulier, protégé de toute réappropriation, où chacun peut puiser les connaissances et travaux d’autres personnes et y contribuer par son propre travail.

L’utilisation de la Licence Art Libre est aussi un bon moyen pour prendre des libertés avec le système de la marchandise généré par l’économie dominante. Cette licence offre un cadre juridique intéressant pour empêcher toute appropriation abusive. Il n’est plus possible de s’emparer de votre œuvre pour en court-circuiter la création et en faire un profit exclusif. Il est interdit de faire main basse sur le travail collectif qui est à l’œuvre, interdit de s’accaparer les ressources de la création en mouvement pour le seul bénéfice de quelques-uns.

La Licence Art Libre défend une économie propre à l’art, basée sur le partage, l’échange et la joyeuse dépense. Ce qui compte en art, c’est aussi et surtout ce qui ne se compte pas.

Le copyleft est-il la négation, l'antithèse du copyright/droit d'auteur ?

Non.

Le copyleft n’est pas la négation du droit d’auteur ; la légitimité du copyleft repose sur celui-ci : c’est une utilisation particulière de ses droits par l’auteur.

La logique première du copyright (et du droit d’auteur) était de promouvoir les connaissances, les sciences et la culture, en établissant un droit équitable entre les auteurs, les éditeurs, et le public. Autrement dit, le rôle de la législation sur le droit d’auteur (et le copyright) est d’instituer légalement le rôle social de l’auteur, et de son œuvre.

Il se trouve que peu à peu au fil du temps, les législateurs ont déséquilibré singulièrement le rapport d’intérêts qu’instituaient l’esprit et la lettre originaux de ce droit : en donnant explicitement aux producteurs et éditeurs de plus en plus de pouvoir, pour une durée de plus en plus longue, sur des éléments normalement voués à entrer dans le domaine public, sans même donner de contrepartie au public, ni lui garantir davantage l’exercice de ses droits, lesquels sont susceptibles de se subordonner aux exigences contractuelles de ces mêmes éditeurs et producteurs.

On peut donc considérer le copyleft comme une revendication légitime, par l’individu-auteur, de cette logique première. Il garantit en effet la constitution d’un fond commun de ressources libres; libres d’utilisation, de distribution, de récupération.