Du logiciel libre à l'art libre.

Le copyleft, ce droit d’auteur né des logiciels libres, gagne du terrain sur tous les fronts de la création. Des artistes, attentifs aux qualités créatives, économiques et sociales des hackers, appliquent eux aussi le principe d’une oeuvre qu’on peu librement copier, diffuser et transformer.

La liberté de créer dans les règles de l’art.

Pour créer, nous avons besoin de liberté. L’art est sans doute le domaine de la création où s’exprime le mieux cette liberté. Parce que les artistes savent à la fois transgresser les limites établies mais aussi les reformuler avantageusement. Sans ce double jeu de transgression et de création des limites, on tomberait dans la destruction pure et simple, où la liberté totale est égale à l’absence totale de liberté. Et négation de l’art, bien entendu. Ainsi les iconoclastes de tout poil qui prétendent résoudre les problèmes par la table rase. Un pirate, un fondamentaliste religieux ou politique, s’inscrivent dans cette crispation autant puérile que néfaste.

Autre chose est de nourrir sa liberté. Face à l’hostilité naturelle du monde, un artiste châtie son langage, retravaille les codes en présence et opère ainsi un véritable retournement de situation.
Les logiciels libres ne font pas autrement. A l’anti-copyright frontal des révolutions fatales, les informaticiens du Libre ont choisi le copyleft subtil des inventions géniales. En garantissant la liberté de copier, de diffuser et de transformer la création logicielle, les hackers du Libre ont montré qu’ils étaient des artistes de l’informatique.

L’invention d’une culture, la renaissance de la Culture.

Le mouvement du Libre qui gagne la planète de la même façon que l’internet a pu le faire n’est pas une Révolution Culturelle à la sauce Mao: il est plutôt une Renaissance Culturelle telle qu’à pu le vivre le XVIème siècle, par exemple. Un éclairage neuf sur ce qui fait valeur dans la Culture quand ce qui domine aujourd’hui est l’ombre portée par les seuls critères du marché. Il est aussi le rappel de cette devise inscrite sur nos pièces de monnaie: liberté, égalité, fraternité…

Informatique libre et art contemporain: nous sommes dans le domaine de la recherche fondamentale et de son application dans la réalité. Les inventions que les chercheurs du Libre et de l’Art découvrent excèdent la Culture en place. Elles sont les signes efficients d’une Culture autre et qui s’affirme par interactions multiples et intelligences partagées. Ces inventions, ces oeuvres, trouvent aujourd’hui des solutions pertinentes dans le champ ruiné et ruineux de nos habitudes culturelles. Le succès de GNU/Linux le confirme, la vitalité d’un certain art contemporain aussi.

Le mouvement du Libre, parce qu’il comprend la création dans ce qu’elle a d’essentiel, est l’un des phénomènes culturels majeurs du siècle. A l’éclatement de l’art déconstruit par la modernité, correspond des pratiques constructives qui ont l’art comme principe. Des règles « in progress » qui permettent des inventions singulières et collectives où la liberté n’est pas une fin en soi mais un moyen pour tous.

La liberté libre des artistes.

Si « Je est un autre », comme l’a si bien montré Rimbaud, ne pas avoir accès librement à la production de cet autre entrave à la fois tout processus d’identification personnelle mais aussi toute reconnaissance du collectif.
Car les créateurs inventent en s’inspirant les uns des autres. Ils piochent, coupent, déforment, reforment les matériaux qui vont leur servir à créer une oeuvre singulière. Mais celle-ci n’est jamais vraiment originale! Sauf à faire l’imbécile, l’excentrique, l’original précisément… Elle est le fruit de rencontres. Une oeuvre d’art est une ouverture composée d’autres ouvertures. Depuis la Création du monde, nos créations sont bien des re-créations. Récréatives même…

Or, comment peut-on protéger les créateurs et favoriser leur art si on ne leur donne pas licence pour travailler sérieusement? Aujourd’hui, nos droits d’auteurs entravent le processus de l’art. Les oeuvres, protégées par un véritable coffre-fort juridique, peinent à trouver respiration.
La propriété intellectuelle, telle qu’elle se définit actuellement, rend intouchables, pour ne pas dire impures, les oeuvres contemporaines et sacrifie notre intelligence sur l’autel d’une Culture entièrement inféodée aux seules critères du réalisme financier. Cette forme particulière d’iconoclasme met en péril la création.
Il n’est pour autant pas question d’abolir la propriété intellectuelle comme Proudhon avait pu rêver en finir avec la propriété privée. Nous avons retenu les leçons des utopies révolutionnaires. Mais que, par égard pour l’esprit humain, il est indispensable de renouveler les notions juridiques qui veulent en protéger l’exercice.
Le copyleft en art est un nouveau souffle pour la Culture à l’échelle mondiale et nous avons un besoin irrépressible de respirer .

Copylefter c’est facile.

Avec la Licence Art Libre il suffit de stipuler:

    [Quelques lignes pour indiquer le nom de l’oeuvre et donner une idée éventuellement de ce que c’est.]
    [Quelques lignes pour indiquer s’il y a lieu, une description de l’oeuvre modifiée et le nom de l’auteur.]
    Copyright © [la date] [nom de l’auteur] (si c’est le cas, indiquez les noms des auteurs précédents)
    Copyleft : cette oeuvre est libre, vous pouvez la copier, la redistribuer et la modifier selon les termes de la Licence Art Libre.
    Vous trouverez un exemplaire de cette Licence sur le site Copyleft Attitude http://www.artlibre.org ainsi que sur d’autres sites.

Copyleft on the net.

Qu’est-ce que le copyleft? Sur le site du GNU:
http://www.gnu.org/copyleft/copyleft.fr.html
Une traduction en français de la GPL
http://www.linux-france.com/article/these/gpl.html
La première étude française sur la GPL par Mélanie Clément-Fontaine
http://crao.net/gpl/
Le préambule sur le copyleft et le droit d’auteur français par David Geraud
http://perso.club-internet.fr/geraudd/4/preambule.html
La Free Software Foundation France
http://france.fsfeurope.org/
Copyleft Attitude et la Licence Art Libre:
https://artlibre.org

« Du logiciel libre à l’art libre », un texte écrit pour le numéro 5 de la revue Influx
Copyright © Antoine Moreau, 18 septembre 2001 Copyleft : ce texte est libre, vous pouvez le copier, le redistribuer et le modifier selon les termes de la Licence Art Libre.
Vous trouverez un exemplaire de cette Licence sur le site Copyleft Attitude https://artlibre.org ainsi que sur d’autres sites.

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