Copyleft Attitude : pour la libre copie, diffusion et transformation des créations.

logo copyleft

Texte de la conférence donnée lors des Rencontres de Lure le vendredi 27 août 2004
Antoine Moreau, « Copyleft Attitude : pour la libre copie, diffusion et transformation des créations ». Copyleft : ce texte est libre, vous pouvez le redistribuer et/ou le modifier selon les termes de la Licence Art Libre http://www.artlibre.org

Introduction

Je vais vous présenter le concept du copyleft et la Licence Art Libre pour conclure ensuite en fonction de ce qui nous réunit ici, les lettres, le livre, l’édition. J’ai décidé pour cette présentation de procéder par collage, faire une composition par « copié-collé ». Aussi je vais reprendre des morceaux de textes déjà  écrits pour des articles ou des conférences et vais les assembler entre eux en les modifiants un peu. Ne pensez pas que je procède ainsi par pur esprit de facilité ou désinvolture. Mon souci actuel est de ne pas tomber dans la redite de moi-même et des propos que je porte. Depuis que Copyleft Attitude existe, c’est à dire depuis 2000, je me suis employé à faire comprendre la pertinence du copyleft et de faire connaître la Licence Art Libre. S’installer dans un discours risquerait de faire passer l’information pour de la propagande et le sujet de la communication pour de l’idéologie. Ce qui m’est proprement insupportable et je tiens à vous en préserver.
Cette petite introduction pour expliquer la forme de mon exposé et vous prévenir de son aspect décousu, rapiécé, recomposé, copié, collé, coupé, plus proche sùrement d’une figure poétique que de la rhétorique publicitaire. Je tenterai de faire court pour nous laisser le temps ensuite de la discussion.

Extraits modifiés d’une conférence donnée lors de CODE, Collaboration and Ownership in the Digital Economy (Queens’ College, Cambridge, 4-6 Avril 2001)

Je vais commencer par évoquer la naissance en France du mouvement Copyleft Attitude pour ensuite donner les raisons de la création de la Licence Art Libre et de son utilité. Je terminerai par quelques réflexions qui se posent à l’art contemporain et à la création en général à l’ère du numérique.

C’est la pratique de l’internet et l’observation de la communauté des informaticiens qui font et utilisent des logiciels libres qui est à l’origine de Copyleft Attitude. Lorsque j’ai pris connaissance de la notion de copyleft via le net, je me suis aperçu qu’il pouvait s’appliquer aussi à la création artistique. Autoriser la copie, la diffusion et la transformation de créations autres que logicielles, cela correspondait à de nombreuses recherches réalisées en art depuis à peu près 20 ans. Mais jamais cela n’avait été formulé de façon aussi réelle et pertinente par les artistes comme on pu le faire les informaticiens avec le projet GNU à l’origine des logiciels libres. J’en parle alors à des amis artistes et nous nous mettons au travail.

En Janvier 2000 nous avons organisé à Paris des rencontres et des débats entre artistes, informaticiens, juristes et différents acteurs du monde de l’art pour informer sur la notion de copyleft et de logiciels libres. L’idée était de voir en quoi cette notion issue de la création informatique pouvait être pertinente pour les artistes et pour la création en général.
Pour la première fois, des informaticiens libres et des artistes contemporains prenaient connaissance des uns et des autres et pouvaient constater qu’ils avaient de nombreux point communs.
A tel point que, par exemple, le « Comment devenir un hacker ? » d’Eric S. Raymond peut-être facilement transformé en « Comment devenir un artiste ?« . Ce que j’ai fait, avec l’autorisation de l’auteur, en changeant des mots propres à l’informatique par des mots concernant l’art.

En Mars 2000, nous avons mis en place un atelier pour expérimenter des œuvres ouvertes et rédiger ensemble une licence inspirée par la General Public License, la licence copyleft des logiciels libres. Je dois dire que ça n’a pas pu se faire tout de suite, ni très facilement et nous ne l’avons rédigé qu’en juillet 2000 avec l’aide des deux premiers juristes en France à s’être intéressés à la GPL : Mélanie Clément-Fontaine et David Geraud et de la mailing-liste créée à ce moment.

Fin extraits modifiés d’une conférence donnée lors de CODE, Collaboration and Ownership in the Digital Economy (Queens’ College, Cambridge, 4-6 Avril 2001)

Extraits modifiés d’un texte écrit pour une numéro de la revue Synesthésie et intitulé « Musique et copyleft ça coule de source »

Si la création artistique excède son propre domaine en allant s’exercer dans de nombreux autres pratiques comme celui la cuisine par exemple, on observe qu’elle excède aussi le droit d’auteur, non pas pour le nier, mais pour en reformuler justement les termes.
Ainsi le copyleft qui autorise la copie, la diffusion et la transformation des oeuvres. Qu’est-ce que ça veut dire ?
S’il s’agit d’un jeu de mot utilisé par Richard Stallman, créateur du concept des logiciels libres et de la Free Software Foundation, pour désigner les logiciels créés sous la General Public License, le copyleft n’est pas pour autant le contraire du copyright. Le copyleft protège les auteurs de qui voudrait faire main basse sur leur création pour se l’approprier en exclusivité et empêcher qu’elle soit à nouveau copiable, diffusable et transformable librement. Avec le copyleft, nul ne peut fermer ce qui a été ouvert.

La Licence Art Libre : une General Public License pour la création hors logiciel.

Créée par le collectif « Copyleft Attitude », la Licence Art Libre étend l’esprit de la création des logiciels libres (dont les œuvres les plus connues sont Linux, Gimp ou OpenOffice) au domaine de la création artistique. Création artistique entendue au sens large y compris ce qui excède l’art lui-même en fonction des critères entendus.

Créer sous copyleft avec la Licence Art Libre c’est renouer avec une économie propre à l’art et qui a depuis très longtemps permis la libre appropriation des œuvres de l’esprit. Ce n’est qu’avec le triomphe de l’individualisme inconditionnel, à partir notamment du rapport de Lakanal en 1793, que cette tradition millénaire fut entamée.

Créer collectivement à la première personne du singulier.

L’avantage du copyleft et la nécessité d’utiliser une licence libre comme la Licence Art Libre se fait sentir de façon certaine dans le cas de création collective. On parle alors de « création commune » puisque le terme de « création collective » n’a pas la signification qu’on pourrait lui attribuer… En effet, juridiquement la « création collective » appartient en droit à l’initiateur de l’œuvre créée à plusieurs.
Sans cela et malgré les bonnes intentions qui traversent de nombreuses initiatives artistiques qui vont dans le sens du partage des savoirs et des ressources, la création qui se veut collective est en fait toujours régie par le régime du droit d’auteur classique. C’est à dire, je le répète, qu’elle appartient en propre à son initiateur et à lui seul.
Où l’on voit que le discours qui entoure certaines œuvres ne réussit pas à briser les conditions qui cadrent son existence. Le copyleft redéfinit un cadre juridique pour permettre réellement la création d’une œuvre collective, qu’on appellera alors « œuvre commune ».

Cette création commune n’annulant pas non plus toute échappée singulière. Ce qui appartient à tous, appartient à chacun et chacun peut créer pour son propre compte également, en laissant la possibilité de copier, diffuser et transformer également. Ainsi, nous avons des arborescences de créations qui forment des noyaux à composantes multiples et des satellites dispersés et mouvants.

Fin extraits modifiés d’un texte écrit pour une numéro de la revue Synesthésie et intitulé « Musique et copyleft ça coule de source »

Extraits modifiés d’une conférence lors du colloque « autour du libre » en 2002

Maintenant, allons faire un tour.
Lorsque j’ai pris connaissance, via l’internet, de l’existence des logiciels libres, de la notion du copyleft et du projet GNU, je me suis dit qu’il y avait là quelque chose d’admirable et que le monde de l’art et plus généralement la culture contemporaine pouvait et devait en prendre leçon. Qu’il s’agissait là, en intelligence avec le matériau numérique et son transport réticulaire, d’un renouvellement de notions oubliées par notre époque pressée de jouir et de profiter du temps qu’elle veut être le meilleur. Comme si le meilleur temps était celui de la vitesse et la gerbe provoquée par cette ivresse, le signe du bonheur accompli.

Des notions occultées par une volonté de domination toujours prête à nier ce qu’elle ne comprend pas illico. Comme ceci qui coule de source, sans que ce soit pour autant naturel :
– Avoir le droit de se copier les uns les autres pour mêler et enrichir les découvertes des uns et des autres, pour les uns et pour les autres.
– Avoir le droit de diffuser librement les œuvres de façon à ce qu’elles continuent à cheminer dans nos pensées à travers des objets et dans nos cœurs sans qu’il y ait fatalement de point de chute définitif.
– Avoir le droit de transformer les productions d’autrui pour que celles-ci ne stagnent pas en fétiches sacrés et terrorisants mais puissent se développer et se multiplier sous d’autres formes, par d’autres artistes et pour d’autres artistes, qu’ils soient professionnels ou amateurs et même simple public si celui-ci veut prendre part active à la création.
– Et à ces 3 libertés, un interdit essentiel : celui d’avoir l’exclusivité définitive sur les productions ainsi générées. On ne copyright pas le copyleft. Ce qui est ouvert reste ouvert, ce qui est libre reste libre et ce dernier point défend nos créations de qui voudrait en profiter sans partage. Voilà une protection de nos droits d’auteur ainsi reformulés par le copyleft et qui vaut bien celle qui prétend actuellement protéger la création artistique.

Tout cela a été largement compris par le passé et par les artistes dont l’histoire ne se réduit pas à l’érection triomphaliste d’un statut d’auteur comme ayant droit absolu sur une œuvre supposée sienne et supposée lui revenant en propre. Je cite Musset :

On m’a dit l’an dernier que j’imitais Byron… Vous ne savez donc pas qu’il imitait Pulci ?… Rien n’appartient à rien, tout appartient à tous. Il faut être ignorant comme un maître d’école Pour se flatter de dire une seule parole Que personne ici-bas n’ait pu dire avant vous. C’est imiter quelqu’un que de planter des choux.

Je venais donc de découvrir, émerveillé, que des informaticiens, des créateurs de logiciels qualifiés libres, avaient une conscience aiguë et intuitive des fondements même de ce qui fait la culture vivante. Cette communauté de hackers, autrement dit d’artistes de l’informatique, d’informaticiens artistes, reformulait le copyright en copyleft, non pour nier les droits d’auteur, mais pour affirmer et exercer ce à quoi un auteur a le droit : être en intelligence avec son objet, développer une recherche singulière, avoir rapport fraternel avec les autres auteurs et être protégé de qui veut faire de la puissance créatrice un pouvoir dominant

Fin extraits modifiés d’une conférence lors du colloque « autour du libre » en 2002

Extraits modifiés d’un texte prévu pour le n° 4 de la revue Plastik de l’université Paris 1

Copyleft et situation de l’art contemporain

Les situationnistes ont œuvré au « dépassement de l’art » : ils en ont été les négateurs zélés. Le « projet communiste » se donnait comme objectif la réalisation du genre humain dans l’Histoire : il en a été la fable tragique.
Une communauté d’auteurs, basée sur les principes du copyleft correspond à ce que Maurice Blanchot a pu avancer lorsqu’il nomme « communauté inavouable », la communauté de ceux qui n’ont pas de communauté. C’est celle précisément des artistes (entendez « artistes » au sens le plus étendu, c’est à dire toute personne qui utilise un langage, y compris le plus silencieux). Ces êtres singuliers ayant rapport avec l’universel mais qui résistent justement à toute fusion en un corps uniforme. La communauté des artistes, cette communauté inavouable, est un corps composé qui multiplie et amplifie les corps. Ce sont des corps distincts qui font le corps un : conséquent avec lui-même, selon les principes énoncés du copyleft et par conséquent avec lui-même autre, copié, diffusé, transformé. Ce corps cohérent, un, n’est pas un seul corps. C’est un corps pluriel capable de multiplier les corps. Cela est possible parce qu’il s’offre à l’altérité jusqu’à l’altération, il fonde son existence sur sa capacité à être autre. C’est même une condition essentielle de sa liberté. Là où précisément l’altération comprise et admise est tout le contraire d’une aliénation résultat d’une prise. Ce qui m’altère me libère de ce qui me détermine comme fini. Altéré, j’ai rapport possible avec l’infini, l’impossible, l’inimaginable. Je peux envisager, dans ces conditions, la vie avec l’art qui lui est conséquent.
Le copyleft autorise la copie, la diffusion et la transformation de l’œuvre. Il accepte l’alternance à travers auteurs, il invite à l’altérité constructive au risque de l’éloignement de l’origine. Ce risque est vital si on considère bien ce qu’est l’origine : un lieu aspirant, un creux abyssal comblé sans fin d’histoires, de chutes, de dépôts de savoirs et de techniques. Cette distance prise avec l’origine comme mythe permet de se défaire du caractère déterminant et terrifiant qui a toujours été le sien.

Nous sommes bien alors dans une filiation autonome. C’est aujourd’hui l’automne de ce qui faisait jusqu’alors l’été de l’origine. C’est aussi l’automne de l’art, son hiver en perspective, son printemps le plus sûrement. C’est pour cette raison que nous pouvons parler de période contemporaine « post-artistique ». Non pas le fantasmé terrifiant « dépassement de l’art », mais ses à-côtés multiples. Ainsi les artistes, selon le copyleft, sont-ils des post-artistes. Plus exactement, des para-artistes qui accompagnent la chute historique de l’art comme les parachutistes accompagnent la chute du voile qui les tient en l’air. L’art peut être qualifié de para-art. Son exercice est une para-chute quand le mouvement dessiné est déterminé aujourd’hui par : le plomb dans l’aile.

Mais alors, quelle peut être la réalité sociale d’un artiste, contemporain du post-artistique ? Sans doute est-il un commun des mortels, bien commun et bien mortel. Ses qualités sont dans cette capacité retrouvée à être commun et mortel. Non pas pour nier les valeurs encore propres à ce qui le définit, une pratique sûrement plus approfondie que chez n’importe qui d’autre, mais au contraire pour en retrouver la justesse et l’endroit : le lieu commun, celui de la disparition de tout territoire exclusif. C’est en ce lieu que l’événement politique et culturel peut avoir lieu. L’internet, lieu par excellence, est apparu là comme un indicateur pertinent de valeurs capables de faire Renaissance.

Fin extraits modifiés d’un texte prévu pour le n° 4 de la revue Plastik de l’université Paris 1

Extraits modifiés de la conférence donnée le lors du colloque « Le Net art : circulation, diffusion, conservation. » au CRAC de Valence le 17 janvier 2004.

Créer à l’heure du copyleft

La Licence Art Libre s’adresse à tous types d’œuvres : numériques ou non, musicales, plastiques, textuelles, etc. L’objet ainsi créé n’est pas seulement un objet fini, c’est aussi une matière première pour réaliser d’autres objets. Le fait d’avoir formalisé juridiquement et conceptuellement ce qui coule de source avec l’internet (la copie, la diffusion, la transformation) permet de le rendre réel. Il n’y a pas de réalité sans mise en forme. Sans Licence Art Libre, ce qui est créé est toujours sous le régime classique du droit d’auteur. Avec ce contrat copyleft, ce qui est créé appartient à tous et à chacun. Les droits sont cédés de façon précise avec cette interdiction fondamentale : avoir emprise propriétaire définitive sur l’œuvre.

Fin extraits modifiés de la conférence donnée le lors du colloque « Le Net art : circulation, diffusion, conservation. » au CRAC de Valence le 17 janvier 2004

Vous pouvez entendre que l’esprit de la loi, au pied de la lettre, est sensiblement modifié avec ce qui est, dans le cas du copyleft, un retournement du droit d’auteur. Je dis « retournement » comme on le dit d’un indicateur qu’on retourne, d’un informateur, dans le monde du renseignement, qui a changé de sens, qu’on a acquis à sa cause. Et c’est vrai que ça cause en tous sens, qu’il y a de plus en plus d’écrits, on s’attend encore à une rentrée littéraire record en quantité de livres à lire. Sans parler des journaux et magazines en tous genres, des informations qui nous captivent : nous sommes pris dans le corps d’un immense texte, tatoués de récits des pieds à la tête, fascinés par les histoires noir sur blanc dont les polices de caractères indiquent bien, à la lettre, l’autorité inhérente à toute trace écrite.

Or, qu’est-ce qui se trame ?
Il est facile d’observer que depuis l’invention de l’écriture et en particulier du livre, sans doute, la disparition de ce qui constitue, dans nos croyances, un livre et l’écriture, s’accélère. Cette disparition n’apparaît pas comme telle : elle se combine avec la multiplication et l’amplification des écrits et des médias.

Depuis l’inscription de la Loi écrite directement par le Créateur sur des tables aussitôt brisées à peine inventées, le support de l’écriture n’a cessé d’être de plus en plus léger et fragile, entraînant le sens de l’écriture même dans une fragilité et une légèreté connexe. Après le marbre de la Loi avec une inscription en dur par Dieu Lui-même, celle-ci s’évaporant au fur et à mesure que Moïse descendait du Sinaï pour rejoindre son peuple livré au Veau d’or, la Bible, manuscrite en exemplaires à chaque fois uniques fera foi. Le Livre fera Loi. Il sera le repère indiscutable dans lequel on peut avoir confiance au sujet de l’histoire d’une humanité probable, avec son passé, son présent et son avenir. Ensuite l’imprimerie fera de cet écrit sacré et intouchable, illisible pour ceux qui ne sont pas clercs, une vulgate en langue ordinaire que chacun pourra lire, commenter, traduire à nouveau, s’approprier pour de multiples interprétations.

Aujourd’hui que le Créateur est mort (cette connaissance dévoilant la structure même de son histoire), l’écriture est le fait d’une foultitude de créateurs écrivains et de lecteurs écrivant. Avec l’internet, chacun est son propre éditeur, chacun y va de sa propre autorité, tout le monde est créateur de sa propre histoire, le droit au chapitre est acquis et la vie devient un roman total, une œuvre socio-culturelle, où la notion d’art s’est diluée dans le cours d’une vie romanesque. Oui, la mort de Dieu (encore faut-il savoir ce que cet oxymore peut bien vouloir dire…) est bien la naissance de milliards de dieux et les textes produits dans ce cadre ont l’actualité d’un quotidien. Le temps, au jour le jour, a pris la valeur de l’infini et ce qui se construit aujourd’hui pourrait être semblable à une nouvelle Tour de Babel : les bâtisseurs de l’Empire mondial, global, total, aspirent à communiquer parfaitement, à se comprendre sans faille, à s’informer sans autre forme de process et de fait, détruisent le langage lui-même car ce qu’il dit, le langage, n’est pas de l’information. C’est de la forme.

Quelle est alors la pertinence du copyleft dans un tel contexte ?
En reformulant le statut de l’auteur, il permet au Texte originel (c’est à dire le langage qui institue la vie dans ses dimensions à la fois poétiques et politiques) qui sous-tend tous les textes de perdurer, de circuler, d’être transmis, interprété, réécrit, relu, redécouvert, sans que quiconque, se prenant alors pour Dieu sait qui, sans doute pour Dieu Lui-même (n’est-ce pas Nemrod ?) n’en interdise la transmission. C’est à dire n’interdise l’inter-dit, ce qui se dit entre les lignes, entre les mots, l’incréé, ce qui s’engendre. Parce que la Loi veut ça : qu’on obéisse au pied de la lettre et qu’on ne lise pas ce qui fait le corps même du Texte et des textes, ce qui n’apparaît pas dans le caractère : le vide, l’espace, le souffle qui fait de la lettre un élément de traduction aux variations vitales.
Non pas qu’il faille à la Loi ou à la lettre nier son bien fondé, ni au texte son utilité, bien sùr, mais qu’il est toujours nécessaire pour poursuivre les écritures et les lectures, pour demeurer les inventeurs du Texte, de rappeler les espaces, les failles, les trous, les respirations sans autre qualité que le fait d’air. À la police de caractère qui institue l’ordre et l’autorité n’oublions jamais la beauté, le luxe, le calme et la volupté.


Illustration :
Logo copyleft, 2001 Antoine Moreau, Copyleft : ce logo est libre, vous pouvez le redistribuer et/ou le modifier selon les termes de la Licence Art Libre. Vous trouverez un exemplaire de cette Licence sur le site Copyleft Attitude http://www.artlibre.org ainsi que sur d’autres sites.

Laisser un commentaire