Échos

Art en candidat libre.

Un pull chenille rose imprimé au format affiche, un totem en papier alu, une silhouette en polystyrène, un Ben Laden énucléé photocopié, trois cacahuètes collées sur du papier, un tas d’oranges pressées, une boucle vidéo du générique logotypé des Feux de l’amour… les murs du sous-sol de la galerie éof se couvrent, au fur et à mesure que la soirée avance, d’un mélange hétéroclite, fatras n’ayant pour seul point commun que l’étiquetage. Le papier indique « le nom de l’oeuvre et éventuellement ce que c’est », « s’il y a lieu, une description de l’oeuvre modifiée et le nom de l’auteur », le « copyright (nom de l’auteur)” et la licence « Copyleft : cette oeuvre est libre, vous pouvez la redistribuer et/ou la modifier selon les termes de la Licence Art Libre” (disponible sur le site Copyleft Attitude : www.artlibre.org. La Copyleft Session d’Antoine Moreau n’est ni une exposition en construction, ni un délire d’artiste potache. Au contraire, l’atmosphère est des plus studieuse la participation absolument requise (”sans oeuvre libre, pas d’entrée libre »). Crayons, gomettes, colle et ciseaux, pinceaux, scanners et imprimantes sont à la disposition du public. Absorbés par leur tâche, les gens semblent fébriles, occupés à coller, cellecter, découper, écrire, composer seul ou en duo, une oeuvre copyleftée, qui sera ensuite exposée au sous-sol.
Antoine Moreau, net-artiste versé dans la bataille du logiciel libre, à trouvé là le moyen d’expérimenter in vivo la culture « free”. « On ne peut copylefter du copyright, ce qui est libre reste libre” prévient l’invitation. A la différence des logiciels verrouillés détenus par les géants de l’informatique, Microsoft en tête le libre est un programme ouvert, dont les codes sources sont accessibles et transformables à loisir. La pratique a d’abord conquis la communauté scientifique, linuxiens et partisans du travail en réseau, avant de déborder du cadre informatique. La bataille est devenue juridique, façon de suivre l’évolution des usages (échantillonnage, copier-coller, emprunt), intellectuelle et artistique, puisqu’il s’agit d’imaginer de nouvelles pratiques, où l’auteur n’est pas nié (il autorise la copie, l’échange et la transformation). L’art libre, tel qu’imaginé par Antoine Moreau, n’est qu’expérimental, mais donne furieusement envie de participer…

Annick Rivoire, libération le 21 février 2003.