Qu’est-ce que l’art libre ?

 

Qu’est-ce que l’art libre ? (version 1), un texte écrit pour framasoft.net.
Antoine Moreau, 06 septembre 2005. Copyleft : ce texte est libre, vous pouvez le redistribuer et/ou le modifier selon les termes de la Licence Art Libre. Vous trouverez un exemplaire de cette Licence sur le site Copyleft Attitude http://www.artlibre.org ainsi que sur d’autres sites.

Introduction :

Un mot pose souvent question dans « Licence Art Libre », c’est le mot « art ». Je vais tenter ici de préciser ce que veut dire « art libre » dans « Licence Art Libre ».
Rappelons tout d’abord que la LAL est une licence libre de type copyleft qui s’applique à tous genres de créations hors logiciel. Elle se réfère à la liberté issue des logiciels libres.
Liberté de copier, diffuser, transformer les créations en les laissant toujours librement copiables, diffusables et transformables.

Ce que l’art libre n’est pas et ce qu’il peut être :

  • L’art libre n’est pas de l’Art.

    C’est peut-être de l’art, mais pas seulement. L’art libre n’a pas les qualités de l’Art. Ce n’est pas la stricte observation des critères artistiques, mais bien plutôt l’absence possible de ceux-ci.
    C’est une création qui excède les qualités propres à l’Art.
    C’est une liberté prise sur l’Art reconnu comme tel. L’art libre fait l’économie de l’Art. C’est à dire qu’il en est autant le transport que l’oubli. L’art libre reformule les valeurs de la création en affirmant sa pratique commune et partagée.

  • L’art libre n’est pas une création d’Artiste.

    C’est peut-être une création d’artiste, mais pas seulement. L’art libre est fait aussi et surtout par des non-artistes, des para-artistes, des méta-artistes, par n’importe qui produit une forme qui se veut librement accessible, copiable, diffusable et transformable. Si les Artistes ont le monopole de l’Art, ce territoire gardé de la passion culturelle, les artistes libres ont en partage un terrain de jeux où la création est ouverte.
    C’est une invention.
    Elle n’a rien d’original : inventer, c’est découvrir l’inconnu. L’inconnu est déjà  là, nous le découvrons en le mettant à jour. Il n’y a rien d’original à ça. Faire l’original, c’est faire l’imbécile : celui qui se croit à l’origine de sa création.
    Quand nous faisons de l’art libre, nous sommes libres de l’Art et de ses canons. Nous retrouvons ainsi ce qui fait « art » bien avant l’invention de l’Art : une manière de faire, une technique. Ce n’est pas rien, c’est la beauté du geste même. Cette grâce n’a de compte à rendre à personne, sauf aux principes qui fondent sa liberté.

  • L’art libre n’est pas de la Culture.

    C’est peut-être de la culture, mais pas seulement. La Culture, c’est la police de la pensée. On ne peut confondre la liberté de l’esprit et ce qui en ordonne l’inscription. L’art libre est à la Culture ce qu’une écriture est à une police de caractère. Si la pensée a besoin d’être policée pour être comprise, elle ne peut être réduite à ce qui va en formater l’esprit.
    C’est du vide.
    L’art libre est un trou qui fait ouverture dans le mur de la Culture. C’est sa respiration vitale autant que sa mise en danger nécessaire. Une mise en branle de l’habitacle. Aussi, il ne pourrait y avoir de « Culture Libre » sans que celle-ci ne soit nourrit par ce qui la troue : un art libre. De la même façon qu’il n’y a pas de Culture vivante sans cet art vivace qui excède le culturel même. Il y a un rapport aussi conflictuel que fécond entre l’art et la Culture. Tout comme entre l’art libre et la Culture Libre, si un jour, et tout porte à croire que ce jour pourrait venir, une Culture Libre se généralise, s’institue et s’impose.

  • L’art libre n’est pas la Liberté.

    Une Liberté absolue c’est une liberté totale, floue, totalement floue et comme telle, opaque. On sait ce qu’il en est de la Liberté sacrée, celle pour laquelle se sacrifient les peuples appelés au Grand Soir promis par les idoles. Quant à ce « feu indompté de la liberté » promis au monde entier par la super puissance actuelle, il brùle les planches sur lesquelles il est censé jouer un rôle. C’est la liberté même alors qui s’envole en fumée. Cette Liberté grandiose, l’art libre ne peut que la ruiner.
    C’est la liberté.
    La liberté que suppose l’art libre, c’est la liberté définie selon les principes issus du logiciel libre et des protocoles ouverts de l’internet. C’est un trait précis qui permet de dessiner un espace d’échanges où se manifeste un souci éthique entendu. Celui qui a été à la base de l’avènement du net et qui prône l’interopérabilité entre les machines. Autant dire entre les animaux parlants eux-même et qui utilisent les machines en réseau.

Pourquoi alors le mot « art » pour une licence libre concernant tous types de contenus y compris non-artistiques ?

  • Parce que « art » vient du latin « ars, artis » qui veut dire tout simplement : façon, manière. « Il est lié à la technique, « technê » qui ne désigne pas seulement le faire de l’artisan et son art, mais aussi l’art au sens élevé du mot et les beaux-arts. La techné fait partie du produire, de la poiêsis; elle est poiétique.1» Ainsi, si l’art est une technique et la technique un art, la beauté de cet art ne se réalise pleinement que si son geste est libre. Dans le cas contraire, il est l’élément servile d’une technologie dominante. L’art libre veut dire la technique libre.
  • Parce que « art » est un mot « poil à gratter ». Il chatouille le fond culturel commun, il le fait briller en le libérant de l’épaisse couche protectrice qui tient les êtres et les choses captifs.
  • Parce que « art » n’est pas un gros mot. C’est juste un petit mot qui se marie très bien avec la liberté.

 

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