La mise en place d’une mythologie de l’immatériel ou l’art de fictionner.

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Antoine Moreau, février 2007,« La mise en place d’une mythologie de l’immatériel ou l’art de fictionner ». Copyleft: ce texte est libre, vous pouvez le copier, le diffuser et le modifier selon les termes de la Licence Art Libre http://www.artlibre.org
Image : Bernard Dumaine and Willem den Broeder
Merci à Paul Mathias pour la relecture de ce texte

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Nous allons tenter de montrer que les principes actifs qui fondent l’internet et la création en ligne procèdent d’une mythologie. S’il faut parfois « recourir aux mythes et non aux raisonnements », comme y invite Socrate dans le Phédon de Platon, il est alors nécessaire de mieux comprendre ces mythes et pour ce qui nous concerne, ceux de l’immatériel. Car il s’agit, à la fois d’en accepter la réalité, mais aussi d’en prendre distance.

Le mythe, ce qui fonde.

Qu’est-ce qu’un mythe ?

Pour répondre à cette question nous allons nous référer à la Grèce Antique. Elle a développé de nombreux récits mythiques qui ont nourri et nourrissent toujours l’Occident, voire même au delà des frontières occidentales. Voici une définition de muthos, le mythe :

Doctrine religieuse imagée transmise par une tradition anonyme. Socrate, dans sa prison, affirme qu’il faut « recourir aux mythes, et non aux raisonnements. » (Phédon, 61b). À distinguer de l’allégorie, dont l’auteur est individuel et connu (« la caverne », chez Platon)1

Complétons cette définition, qui nous intéresse particulièrement pour le rapport contradictoire qu’elle pose d’entrée de jeu avec le logos, par ce qui caractérise le mythe :

Le mythe ne rapporte jamais une expérience actuelle. Il transmet toujours un souvenir, c’est-à-dire un message sur le passé conservé en mémoire de génération en génération. La mémoire dont il s’agit n’est pas la mémoire individuelle, mais la mémoire collective. […] Et cela, parce que le cumul des messages ne peut y dépasser les possibilités d’une mémoire individuelle. Dans cette perspective, l’admission d’un nouveau message est pratiquement indissociable de la destruction d’un autre. Mais quels critères président à ce tri. Ce sont essentiellement la singularité et l’exemplarité2.

Retenons du mythe, à ce moment de notre présentation, qu’il s’oppose apparemment au logos, à l’écriture et à la mémoire individuelle. Voyons comment cette contradiction est en réalité une articulation nécessaire qui équilibre les oppositions en une tension fructueuse. C’est cette tension qui va faire perdurer, avec des moments d’apparitions ou de disparitions, de déni ou d’affirmation, le mythe, selon les époques et les croyances.

Un Roland Barthes, par exemple, se sera donné pour tâche de décrypter certaines mythologies contemporaines3 en postulant que le mythe est une parole dépolitisée. Le mythe est considéré comme un instrument aux mains de la classe dominante, les bourgeois, les conservateurs. Démystifier le mythe répond alors à un besoin révolutionnaire d’émancipation du genre humain. Au mythe, comme message apolitique, il faut opposer un message dont la politique est la transformation du réel contre la formation des images issues du mythe. Autant dire qu’il s’agit là d’un projet iconoclaste au service d’une modernité achevée.

L’articulation entre le mythe et la raison.

Comme nous l’avons mentionné au départ, dans le Phédon de Platon, Socrate nous invite à prendre en considération le mythe plutôt que le raisonnement. Il évoque Ésope et la fable que le poète aurait faite au sujet de la question de l’agréable et du pénible. Déplorant de n’être pas poète lui-même, Socrate défend alors la philosophie comme étant l’art suprême. Il est en prison, condamné à boire la ciguë dans quelques heures et se remémore le rêve qui l’a visité tout au long de sa vie : « Socrate, fais une oeuvre d’art, travaille. » Il comprend alors qu’il doit s’acquitter avant de mourir « d’un devoir religieux : faire des poèmes, donc obéir aux rêves. »4 C’est pour cette raison que le philosophe reconsidère avantageusement la fonction du mythe (ce que Ivan Gorby traduit, comme nous l’avons indiqué en introduction, par la nécessité de « recourir aux mythes et non aux raisonnements »5 et Monique Dixsaut par : « inventer des histoires et non se contenter de dire. »6 Littéralement, précise-t-elle dans une note : « doit faire des muthos et non pas des logos. »7)

Voilà posé le rapport entre le mythe et la raison et ce que nous pouvons appeler « la raison du mythe face à la raison de la raison. » C’est parce que Socrate n’est « pas doué pour inventer des histoires »8 et qu’il doit obéir à l’injonction divine de son rêve qu’il va utiliser celles qui existent déjà, celles qu’il a sous la main et qu’il connaît par coeur. Platon, grâce à Socrate, va inventer ici l’articulation entre le mythe et la raison ; ce sera le mythe vraisemblable qui se situe entre le mythe comme fiction trompeuse et le discours idéalement vrai9. Ceci permet à la raison de pouvoir s’exercer et au mythe de perdurer sans tomber dans la misologie (haine de la raison) que Socrate assimile à la misanthropie10 et qui serait fatale à l’acte même de philosopher.

Ce qui nous intéresse ici, c’est la raison du mythe, c’est le rappel du mythe comme socle de la raison, comme image même de cette raison. Ce que nous avons tendance aujourd’hui à oublier, reléguant les images dans le décor et les mythes dans le mensonge. C’est occulter la dimension opérante et constituante des mythologies qui sont aussi puissantes qu’elles nous sont très largement imperceptibles.

Après cette introduction sur les mythes et leur raison, nous allons aborder l’immatériel contemporain, avant d’en cerner la mythologie.

L’immatériel, un patrimoine paradoxal.

Qu’appelle-t-on « immatériel » ?

Si nous essayons de comprendre ce mot, que l’exposition « Les immatériaux »11 a certainement contribué à rendre populaire, nous nous confrontons fatalement à des questions d’ordre métaphysique. Est-ce que l’immatière veut dire la « non-matière », l’absence de matière ? Est-ce que l’immatière est un autre type de matériau, un immatériau ? Est-il à la matière, ce que l’informe et à la forme, ou encore ce que l’information est à la formation ? Ces questions nous les laissons en suspens. Notons juste l’appel aux fictions et aux rêves que suscite l’immatériel. Un appel à ce point profond qu’il s’est manifesté à l’aube de l’humanité avec la transmission orale des récits mythiques, des savoirs et des pratiques.

Aujourd’hui, l’UNESCO reconnaît et défend ce patrimoine immatériel de l’humanité.

Le patrimoine oral et immatériel de l’humanité.

C’est en 1997 que des intellectuels marocains se sont réunis sous l’égide de l’UNESCO à Marrakech pour définir le concept de « patrimoine oral de l’humanité » afin de préserver « les chefs d’oeuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité ». Défini dans une proclamation d’intention en 2001, ce patrimoine oral et immatériel a fait l’objet d’une Convention en 2003. Nommé « Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel » elle été ratifiée, à la date du 1er février 2007, par 74 états.12

Notons tout de suite ce qui saute aux yeux : au départ de cette initiative, c’est le patrimoine oral de l’humanité qu’il s’agit de reconnaître et à travers lui, ses chefs-d’œuvre. Apparaît à ce moment là le mot « immatériel » pour qualifier ces objets issus de la tradition orale et qui perdurent toujours dans un monde dominé par l’écrit. Puis, la Convention de l’UNESCO ne mentionne plus que « le patrimoine culturel immatériel »13, laissant entendre qu’entre oralité et immatériel, il y a plus qu’un lien, il y a corps commun. Ce corpus est aussi qualifié de « patrimoine vivant », synonymie donnée par l’UNESCO pour définir le Patrimoine Culturel Immatériel.14

Ainsi, les productions culturelles procédant d’une tradition qui ne se manifeste pas seulement à travers la fabrication d’objets matériels, sont-ils considérés comme des productions immatérielles. Ces immatériaux sont les mythes, les rites et les pratiques coutumières. Ils rejoignent nos immatériaux en haute technologie, ce qui se créé avec le numérique via l’internet notamment et que l’exposition organisée par Jean-François Lyotard avait préfiguré.

Disons le : ce patrimoine vivant est un corps, vivant, de nature immatérialiste.15 Nous voyons également, si nous observons bien l’internet par exemple, qu’il s’offre à l’insu de qui voudrait en maîtriser le mouvement gracieux. Il invite, « toute science suspendue »,16 à créer sans que ses productions choient obligatoirement dans la matière. Dans l’objet fétiche17 et dans la fixation de l’emprise définitive.

Depuis 2002, une groupe de travail qui réunit plusieurs associations de logiciels libres18 est en place pour obtenir de l’UNESCO un classement au patrimoine culturel immatériel.19 En l’attente, un « portail du logiciel libre » a été mis en place20.

L’immatérialisme nouveau est arrivé.

C’est à Berkeley que nous devons le concept d’ « immatérialisme »21. De quoi s’agit-il et en quoi pouvons-nous le relier aux immatériaux qui constituent le cadre de plus en plus généralisé des productions de l’esprit de notre XXIe siècle débutant ?

Prolongeant et radicalisant l’empirisme de John Locke22, Berkeley nie l’existence de la matière pour affirmer que la seule réalité est celle qui est perçue par nos sens. La matière est une abstraction qui n’a aucune concrétude, c’est une vue de l’esprit sans existence. Ce qui existe, c’est l’immatière, perçue par nos sens et que nous traduisons en toutes sortes de langages pour en relever la réalité. La seule réalité qui existe car : « Esse est percipi », exister c’est être perçu ou percevoir.23

Nous émettons l’hypothèse, sans avoir la possibilité dans le cadre de cette communication de développer plus avant, que l’empirisme radical de Berkeley préfigure la réalité de nos immatériaux. Son immatérialisme anticipe nos immatériaux et aide à mieux comprendre le numérique, l’internet et les fictions qui y sont transportées, à la fois, par la vertu de l’immatériel, mais aussi par celle des désirs spirituels consubstantiels à l’immatière.

Quand nous sommes face à l’ordinateur, nous sommes face à un écran. C’est l’écran qui rend perceptible les opérations incompréhensibles que fait pour nous l’ordinateur. Des bits, des O et des 1, des calculs, cela n’a pas de réalité, cela n’est pas perçu. Du texte, des images, du son, cela existe, cela est perçu. L’écran est la réalité perceptible de l’ordinateur et de ses calculs. Face à l’écran, nous sommes face à une fenêtre qui dévoile, via nos sens, la réalité, in fine, de la machine. La matière même de la machine n’a elle, aucune existence. Quand nous sommes connectés à l’internet, nous plongeons via notre écran dans des écrans ouverts en tous sens et à tous sens. Cet espace numérique multi-écrans, multi-formes, multi-sens est le lieu d’un évènement considérable.

Nous l’appelons « immatérialisme dialectique ».

C’est la suite contradictoire du matérialisme dialectique et historique24 tel qu’il a été pensé par les marxistes. Nous posons que de la même façon que la matière invitait au matérialisme, l’immatériel en appelle à l’immatérialisme. La méthode dialectique permet ici le mouvement des pensées et des histoires quand le matérialisme dialectique poursuivait l’accomplissement d’une pensée et de l’Histoire. Cette période de l’histoire est révolue, nos écrans nous rendent sensibles à ce qui existe de l’immatériel présent : des histoires, des récits et des rêves imprenables.

Une zone de sensibilité picturale immatérielle, un espace vacant

Avant d’aborder le numérique, signalons rapidement deux artistes qui, à leurs façons bien distinctes, on abordé l’immatériel : Yves Klein et Robert Barry.

Le premier, dont l’immatériel a été la préoccupation constante25, avec « la vente-session d’une zone de sensibilité picturale immatérielle » en 1962. Soit160g d’or fin répartis en 16 lingots de 10 grammes chacun, achetés par des collectionneurs et lancés par eux dans la Seine.

Le deuxième, qui a travaillé l’invisible et l’immatériel dans de nombreuses oeuvres dont, par exemple, « The Space Between Pages 29 & 30 » et « The Space Between Pages 74 & 75 » publiées dans le n°6 de la revue « 0 TO 9 » en juillet 1969.26 Ou encore, « Invitation piece », des envois pendant 8 mois en 1972 et 1973 de l’annonce d’une exposition allant de lieu en lieu sans avoir lieu visiblement.
Voyons maintenant comment le numérique et l’internet nous pensent27. Comment nous pouvons saisir cette pensée pour penser à notre tour ce qui se passe et ne pas passer à côté de l’articulation entre muthos et logos. Cette articulation qui, nous l’avons vue, procède d’une dialectique fructueuse pour les histoires qui se racontent et qui nous font vivre avec raison. Relevons quelques aspects de la mythologie du numérique pour affirmer cette mythologie, la nier, puis nier cette négation pour affirmer à nouveau le mythe du numérique avec lucidité.

Le numérique et l’internet : de quoi avoir l’art.

Une mythologie multiformes.

Pour saisir les mythes de l’art liés à l’internet et au numérique, nous allons nous faire le porte-parole des récits que nous entendons et qui nous font agir. Car, il nous faut l’avouer, nous sommes portés, transportés, par cette mythologie. Il ne s’agit pas ici d’en faire une critique où le pyrrhonisme le disputerait à la déconstruction, mais de reconnaître sa réalité et ainsi d’en prendre à la fois mieux la mesure et la distance.

1/ Tout et qu’importe quoi, tous et qu’importe qui.

Disons le tout de go, il n’y a pas d’art sur le net, il n’y a pas d’art avec le numérique. Ce qu’il y a c’est l’art du net et l’art du numérique. Les formes que prennent cet art n’ont pas obligatoirement les qualités affectées à ce que nous reconnaissons comme art. Ce sont tout simplement des pratiques qui observent la nature du matériau (plus exactement de l’immatériau) et qui se moque de l’art de la même façon que, pour Pascal, « se moquer de la philosophie, c’est vraiment philosopher »28

Disons le autrement : sur le net, avec le numérique, tout le monde peut faire l’artiste. Des mots dans un blog, des vidéos sur Youtube29, des musiques home-studio à télécharger, chacun est un artiste et Beuys30 est son prophète. S’accomplit en ligne, la victoire du consommateur31, l’assomption de l’amateur. Cet art nouveau qui s’exprime avec les NTIC32, est un art vulgarisé, banalisé, gratuit, plus proche souvent du tag lancé à la va-vite que de l’expression d’un auteur qui prend le soin d’y mettre la forme. Le trait peut-être génial. Il peut-être grossier.

Avec l’immatériel, la copie est infiniment possible, l’espace est infiniment extensible. La trace que laisse l’homo-numericus est, au final, infiniment ordinaire. Cet ordinaire a l’ordinateur comme « atelier de création ». Avec l’internet, ce lieu est un lieu commun partagé à l’envi. Il invite à l’absence d’autorité pour autoriser l’action de « l’autre de l’auteur », le public amateur également auteur, son alter-ego, un autre auteur en fait. Il n’est pas simplement un observant de l’œuvre, il est un activant de l’œuvre. Il n’obéit plus simplement, il agit par lui-même. Il a l’art lui aussi, comme tout le monde.

C’est « le mythe de l’art pour tous, par tous, partout et tout le temps ».

2/ L’œuvre infinie, sa réelle présence.

Temps réel, données volatiles, réalité virtuelle, etc, l’univers dans lequel évoluent ces créations est marqué par une instabilité généralisée et constitutive. Un chaos s’offre, qui prendrait facilement les allures du chaos originel. Il sonne à l’esprit comme la fin de la création, sa finalité, le dévoilement d’une œuvre à l’œuvre qui subsume toutes œuvres.

[…] ce que l’œuvre numérique donne à percevoir c’est une absence, l’état transitoire, instable, d’une œuvre qui ne peut jamais être perçue ni dans son « essence « ni dans sa totalité. Ce qu’elle donne à saisir est donc bien davantage en creux qu’en surface, elle invite en effet son public, sous l’infinité des variations, sous la multiplication de ses différences, à tenter de percevoir le même, c’est-à-dire le processus qui la justifie et en fait sa particularité d’œuvre.33

Les créations sont ainsi vacantes. Par leur absence, par leur immatérialité, elle aspirent à être comblées. C’est l’autre de l’auteur, celui qui aime ce vide permis par la création immatérielle, qui va activer l’œuvre et faire advenir sa réelle présence. L’œuvre infinie est infiniment présente de la même manière que l’œuvre finie est partiellement présente. Le mythe, ici, va ordonner le chaos nouveau dû à cette vacance. Il va ordonner les arts numériques, il va ordonner les artistes eux-mêmes renouvelés par les techniques liées à l’immatériel. Il va ordonner le public amateur qui se croit libre d’agir et n’être plus simplement observant comme nous l’avons dit précédemment. Il va (lui) ordonner d’agir à sa guise. Car, nous dit le mythe, tous sont auteurs, tous ont de l’autorité, tous augmentent.34 Mais tous sont ordonnés selon le mythe qui est « l’Esprit de tous les esprits ».

C’est « le mythe de l’œuvre métaphysique ».

3/ Le hacker, une figure de l’artiste au delà de l’art.

Un hacker est : « à l’origine, programmeur de génie, terme parfois employé pour bidouilleur. […] Désormais, et surtout du fait des journalistes, le terme désigne surtout les pirates des réseaux. »35

C’est parce qu’il y a un rapport étroit entre l’esprit hacker et la disposition artistique que nous avons transposé le texte « How to become a hacker ? » d’Eric S. Raymond36 en « Comment devenir un artiste ? ».37 Nous proposons cette définition simple : le hacker est un artiste de la programmation et des réseaux informatiques.

Pour devenir un hacker, il va vous falloir acquérir l’état d’esprit des hackers. Vous pouvez vous livrer, quand vous n’êtes pas sur un ordinateur, à certaines activités qui peuvent vous familiariser avec cet état d’esprit. Elles ne remplacent pas le bidouillage (rien ne le remplace), mais beaucoup de hackers s’y adonnent, car ils sentent qu’elles ont, de quelque façon, un rapport essentiel avec la pratique des hackers.

– Lisez de la science-fiction. Allez aux conventions de science-fiction (c’est une bonne manière de rencontrer des hackers et des proto-hackers).

– Étudiez le zen, pratiquez les arts martiaux. (La discipline mentale requise a beaucoup de points communs avec celle des hackers.)

– Développez votre oreille musicale. Apprenez à apprécier des genres particuliers de musique. Apprenez à bien jouer d’un instrument ou à bien chanter.

– Développez votre sens des calembours et des jeux de mots.

– Apprenez à écrire correctement dans votre langue maternelle. (Un nombre étonnamment élevé de hackers, notamment parmi les meilleurs que je connaisse, sont de bons écrivains.)38

Ces conseils ne se limitent pas à ces bonnes intentions, ils impliquent une éthique39, une disposition d’esprit qui tente d’articuler « liberté » avec «bonne conduite». Le hacker est un héros des temps post-modernes. De la même façon que Don Quichotte, en se moquant des récits de chevalerie, fonde la littérature telle que nous la comprenons aujourd’hui, le hacker se moque de l’art contemporain, pour fonder un art commun présent. Un art qui peut être commun à tous grâce à l’accès libre et la bonne conduite de la liberté. Il défend le code-source ouvert et la liberté partagée. Il se bat contre les clôtures numériques. Il fait partie d’une communauté qui invente un nouveau type de société : la communauté du « Libre ». Il est, par excellence, la figure mythique de la culture liée à l’ordinateur, au numérique et à l’internet. C’est un génie libre, créatif et débrouillard.

C’est « le mythe du hacker, artiste de l’informatique ».

Le Libre, un « commonisme » ?

Nous nous élevons au dessus de la conception dépassée qu’avait le vingtième siècle du « communisme » et du « capitalisme ». Nous avons remplacé les deux de la manière dont tout vieux système devrait espérer être remplacé : en construisant quelque chose qui fonctionne encore mieux. Longue vie à la révolution !40

Le Libre, la liberté.

1/Du logiciel libre.

Comme dans la mythologie Grecque, les animaux sont légions dans la mythologie de l’immatériel, particulièrement dans le logiciel libre : un gnou41, un pingouin42, un diablotin43, un éléphant bleu44, un écureuil volant45, un loup rigolard46, un dauphin47, un renard48, un oiseau49, etc.

Si nous tentons de comprendre la mythologie du logiciel libre nous devons nous intéresser à l’origine du mouvement et reconnaître que cette origine est difficile à définir. Elle est liée à l’histoire de l’informatique, de l’internet mais aussi de l’art au sens où l’art est sans doute une création libre par excellence. Brièvement : l’invention de l’internet avec les standards de transport de données TCP/IP50, les Request For Command51 qui définissent les protocoles ouverts, le système d’exploitation Unix, ouvert par nature et enfin, le projet GNU52 de la Free Software Foundation53 qui formalise le logiciel libre avec une licence juridique, la General Public License54.

Ce qui sous-tend le logiciel libre, c’est la liberté. Mot piège, il est précisément défini dans le logiciel libre en quatre points : liberté d’étudier le logiciel, de le copier, de le diffuser et de le transformer. Avec un interdit fondamental : en avoir une jouissance exclusive de façon à protéger le bien commun. La mythologie du Libre55 est celle de la liberté, de sa connaissance et de sa pratique. « Liberté, égalité, fraternité » c’est par ces mots que Richard Stallman, initiateur du projet GNU, introduit ses conférences. Les animaux du Libre seraient-ils les gardiens de l’esprit humain quand l’humanité, par bêtise, perd l’esprit ?

Ce mythe s’appelle « le mythe de la liberté publique» en souvenir aussi de la Révolution Française.

2/ De l’art libre.

Du logiciel libre à l’art libre il n’y a qu’un pas. Celui-ci a été franchi à notre initiative lors des rencontres Copyleft Attitude56 qui ont eu lieu à Paris en 2000. Elles ont donné naissance à la Licence Art Libre57, directement inspirée par la General Public License. Il s’agissait d’appliquer les principes du copyleft à tout genres de création. Cette extension du Libre aux oeuvres non logicielles (donc non fonctionnelles), envisage la culture comme lieu commun d’intervention et d’invention. Sans qu’il n’y ait possibilité de captation de l’art à des fins exclusives.

L’intention est d’ouvrir l’accès et d’autoriser l’utilisation des ressources d’une oeuvre par le plus grand nombre. En avoir jouissance pour en multiplier les réjouissances, créer de nouvelles conditions de création pour amplifier les possibilités de création.58

L’art libre poursuit la « liberté libre » chère au poète aux semelles de vent,59 celle qui prend sa source dans l’immatériel le plus primitif, celui de la transmission orale avant même qu’elle ne s’inscrive dans le dur d’un support. Nous dirons que l’art libre c’est une trouée dans le « hard », c’est du « soft », c’est du souffle, c’est du vent dans les roseaux pensants.60

Il s’agit, par ce souffle, de retrouver cette qualité à l’art d’être un transport de formes vivantes et vivifiantes quand la fatalité des productions de l’esprit les plombent dans la preuve autoritaire. Sans nier l’auteur et sa légitime autorité, mais en lui redonnant sa dimension vacante. Car c’est la vacance qui forme l’art libre. Distant du formatage de la culture, la forme d’art possible est alors une forme de liberté dans l’histoire conçue, elle aussi, comme « histoire de la liberté ». Et le mythe de l’art libre nous dit que cette histoire n’a pas de direction, n’a pas de fin61, qu’elle est multi-sens et infinie.

Nous appellerons ce mythe, « le mythe de la liberté libre » en souvenir de la poïêsis imprenable (même par l’inscription qui en donnerait la preuve tangible).

La Culture Libre : créativement commune.

La culture libre que je défends dans ce livre est un équilibre entre l’anarchie et le contrôle total. Une culture libre, comme un marché libre, est pleine de propriété. Elle est pleine de règles de propriété, et de contrats, que les pouvoirs publics doivent faire respecter. Mais tout comme un marché libre est perverti quand la propriété devient féodale, de même une culture libre peut être dévoyée par un extrémisme des règles de propriété qui la définissent. C’est ce que je crains pour notre culture aujourd’hui. C’est contre cet extrémisme que ce livre est écrit.62

L’internet n’est pas politiquement neutre. De la même façon qu’il procède d’une économie bien précise et qui invite à l’échange des données, il dessine une politique qui engage la justesse d’un choix en rapport avec l’observation qui a pu être faite de son éco-système. La politique à l’ère du capitalisme cognitif est culturelle.63 Mais il ne s’agit pas tant d’une politique culturelle, sorte de supplément d’âme pour agrémenter un corps qui va dans le décor, que de penser une culture politique. C’est à dire une culture qui sait faire des choix, qui tranche avec l’absence culturelle de la politique. Absence de choix culturel, absence de culture de choix.

Quand Lawrence Lessig a repris en 2001 l’idée du logiciel libre de Richard Stallman en créant les licences Creative Commons64, il a, à notre sens, commis un impair à la fois politique et culturel. Au choix du Libre, il a préféré le libre choix En proposant de choisir entre 6 licences, dont une seule peut être considérée comme libre, il a brouillé le sens politique et culturel donné par le logiciel libre. Aujourd’hui, 91,44 % des œuvres placées sous des licences Creative Commons en France (73,60 % pour le monde entier) ne peuvent pas être considérées comme libres.65

Une « culture libre » qui confond « choix du Libre » et « libre choix » provoque l’embarras et risque d’anéantir la liberté poursuive par manque de « culture politique ». Car la liberté, si elle n’est pas précisément désignée, est un mythe qui peut être terrible, un piège aussi puissant qu’il est flou car il convoque toutes sortes de désirs et fantasmes où la raison défaille.

C’est peut être cela la nouvelle théorie dont nous avons besoin pour envisager les affrontements du siècle à venir : des modèles pratiques que nous pouvons utiliser et mettre en oeuvre dès maintenant. Sans attendre de théorie unificatrice, juste des pratiques coordinatrices, une praxis coopératrice. Reprendre notre liberté de Citoyens Commonistes.66

C’est « le mythe de la Culture Libre». Un théâtre nouveau d’enjeux de pouvoirs s’installe qui en appelle à « la révolte du pronétariat ».67 Les productions de l’esprit « Culturellement Libres » vont-elles servir de base arrière pour asseoir en première ligne un « Pouvoir Libre » ? La maîtrise d’une gouvernance mondiale électronique passe-t-elle par le mythe de la Culture Libre ? Nous posons la question en sachant ce qui a pu être mis par ailleurs derrière le vocable de « Révolution Culturelle »68.

La Free Software Foundation recommande la Licence Art Libre plutôt que les licences Creative Commons.69 Car une culture de qualité, c’est une culture de choix. Et choisir, c’est faire un choix précis, non s’en défaire en proposant des choix approximatifs et qui discréditent l’option politique et culturelle envisagée.

L’intelligence collective, une bête de somme.

C’est au philosophe Pierre Levy, titulaire d’une chaire de recherche du Canada en Intelligence Collective à l’université d’Ottawa, que nous devons le concept d’intelligence collective70.

Les nouveaux moyens de communication permettent aux groupes humains de mettre en commun leurs imaginations et leurs savoirs. Forme sociale inédite, le collectif intelligent peut inventer une « démocratie en temps réel ».71

Cette intelligence collective s’est vu concrétisée vers 2005 avec ce qu’on a appelé le web 2.0. Des sites participatifs où les données sont offertes par le jeu des participations et dans le déni du droit d’auteur. Une masse enthousiaste d’internautes collaborent à des site attractifs qui les lient les uns aux autres. Autour d’une passion commune et d’une idée simple, une création collective s’agence en phase avec la puissance du net. Ainsi Flikr72 avec le partage de photos, Netvibes73 avec un portail personnalisé interactif, del.icio.us74 pour le partage d’adresses de sites web, etc

Tout le monde il est sympa, tout le monde il est partageux. Mais derrière la « cool attitude », le business froid. Les plus avertis se réveillent et fuient les plateformes gratuites d’échanges, comme l’a fait Karl Dubost, Conformance Manager au W3C, quittant le site flickr :

Nous assistons à la naissance d’une nouvelle forme d’esclavage. Dans une chaîne de production, ce qui coûte souvent le plus cher c’est la main d’œuvre. Dans une société où la valeur est indexée sur l’information, le marché recherche les sources de production de cette information. Auparavant, les études marketing, commerciales étaient assez coûteuses car elles nécessitaient une main d’œuvre importante. Envoyer des sondeurs sur les routes pour recueillir vos préférences, ce que vous aimez consommer, qu’elle est votre destination de vacances préférées, qu’elle est votre dessert favori coûte cher, très cher.75

Nous dirons alors, et ce n’est pas vraiment une découverte, que l’intelligence est toujours quelque chose de singulier. Collective, c’est l’intelligence d’une idée, d’une personne ou d’un petit groupe de personnes76. Avec le web 2.0 cette « intelligence collective » jouit d’une collaboration gratuite, aussi arbitraire que l’impulsion d’un moment. Moment d’euphorie, certes, mais qui profite intelligemment à celui qui propose le cadre de l’exercice.

Nommons l’intelligence collective « le mythe du grand cerveau ».

Conclusion.

Nécessité, critique et acceptation d’une mythologie de l’immatériel. La question du dogme.

Nous avons voulu montrer la nécessité du mythe dans la création immatérielle de façon à pouvoir en cerner la force. Disons le clairement : le mythe, ce n’est pas de la petite bière, c’est un alcool fort. Mais, contrairement à Platon qui, en le décrivant, poursuivait sa ruine, nous voulons en poursuivre le récit et la réalité contemporaine. En prenant garde de ne pas verser dans la misologie, comme nous l’avons dit plus haut, mais en tentant d’articuler les mythes, toujours contemporains, à la raison, toujours critique.

Du souffle dans les voiles et la main sur notre gouvernail.

Sachons le : avec la mythologie de l’immatériel, c’est une dogmatique nouvelle qui se met en place. Elle est puissante et périlleuse. Précisons tout de suite, grâce à Pierre Legendre, ce qui s’entend par « dogmatique » :

« Dogmatique » nous renvoie à la tradition grecque, littéraire, philosophique et politique. Le mot « dogme » y est utilisé pour désigner le récit des rêves ou des visions, pour dire l’opinion, mais aussi la décision ou le vote ».77

La puissance de la réalité dogmatique est périlleuse en ce sens qu’elle est soumise au possible, autant dire fatal, dogmatisme. Son travers qui ruine la construction symbolique que le dogme élabore. L’immatériel et ses créations peuvent-elles sombrer dans le dogmatisme ? Certainement, si n’est pas observé l’interdit (notons le ainsi : « l’inter-dit » pour en signifier la dimension poétique, ce qu’on comprend entre les mots et les lignes), qui permet au mythe de ne pas être une mystification, un mensonge. Ce tabou nécessaire nous le trouvons posé avec le copyleft, car il protège les quatre libertés allouées au logiciel libre,78 et à l’art libre.79 Interdit d’avoir une emprise exclusive sur les biens communs : c’est la clef de voûte du mythe du Libre qui permet au récit mythique de n’être pas à la merci d’un pouvoir captivant.80 Il n’élimine pas pour autant la passion du pouvoir, mais il la soumet à l’imprenable.

Les créations numériques, muent par le mythe, suivent ce fil conducteur qui offre à tous et à chacun la vue imprenable.


1I. GOBRY, Le vocabulaire de la Philosophie, Ellipses, Paris, 2000, p.85.

2L. BRISSON « Le mythe mode d’emploi », L’encyclopédie de l’Agora http://agora.qc.ca/reftext.nsf/Documents/Mythe–Le_mythe_mode_demploi_par_Luc_Brisson (page visitée le 27/01/07)

3« Il y a donc un langage qui n’est pas mythique, c’est le langage de l’homme producteur : partout où l’homme parle pour transformer le réel et non plus pour le conserver en image, partout où il lie son langage à la fabrication des choses, le méta-langage est renvoyé à un langage-objet, le mythe est impossible. » R. BARTHES, Mythologies, Points Seuil, 1957.

4PLATON, Phédon, GF Flammarion, Présentation et traduction Monique Dixsaut, Paris, 1991, p. 207.

5I. GOBRY, op. cit.

6PLATON, idem.

7Idem, p. 325.

8Idem.

9Même si, comme le rappelle Luc Brisson : « À l’égard du mythe, la position de Platon est doublement ambiguë. Platon décrit le crépuscule du mythe, c’est-à-dire le moment en Grèce ancienne où une civilisation de l’oralité, qui est celle du mythe, se voit relayée par une civilisation de l’écriture, qui rend possible l’apparition et le développement de deux autres types de discours jusqu’alors inédits: l’histoire et la philosophie qui prétendent annexer le domaine qui auparavant était celui du mythe. En outre, la description par Platon du fait de culture auquel il donne le nom de mûthos est inséparable d’une critique radicale et globale. En décrivant le mythe, Platon travaille à en assurer définitivement la perte. » op. cit.

10PLATON op. cit. , p. 260.

11Initiée par le Centre de Création Industrielle, cette exposition s’est déroulée au Centre Georges Pompidou à Paris du 28 mars au 15 juillet 1985 sur l’impulsion du philosophe Jean-François Lyotard. Il en a fait un manifeste de la post-modernité et du rapport entre art et technologies.

12UNESCO, « Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel » http://www.unesco.org/culture/ich_convention/index.php?lg=FR (page visitée le 12/02/07)

13« On entend par « patrimoine culturel immatériel » les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire – ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés – que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d’identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine. Aux fins de la présente Convention, seul sera pris en considération le patrimoine culturel immatériel conforme aux instruments internationaux existants relatifs aux droits de l’homme, ainsi qu’à l’exigence du respect mutuel entre communautés, groupes et individus, et d’un développement durable. »

UNESCO, « Texte de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel » http://www.unesco.org/culture/ich_convention/index.php?pg=00022&art=art2#art2 (page visitée le 12/02/07)

14UNESCO, « Qu’est-ce que le patrimoine culturel immatériel ? » http://www.unesco.org/culture/ich_convention/index.php?pg=00002 (page visitée le 12/02/07)

15Pour reprendre le vocable de Berkeley.

16J. DE LA CROIX, « Toute science suspendue », traduction Pierre Éliane, Les chansons mystiques de Jean de la Croix, CD Éditions du Carmel, 1998 & Bayard Musique, 1999.

17Fétiche est « un néologisme, calqué sur le portugais feitiçao, traduction du latin facticius, « fait » (de main d’homme étant sous-entendu), qui traduit à son tour le grec cheiropoiètos. […] Le fétiche est opposé à l’image acheiropoiète, non faite de main d’homme. » J. KERCHACHE, J.L. PAUDRAT, L. STEPHAN, L’art Africain, Éditions Mazenod, Paris, 1988, p. 53.

18« L’expression «Logiciel libre» fait référence à la liberté pour les utilisateurs d’exécuter, de copier, de distribuer, d’étudier, de modifier et d’améliorer le logiciel. » définition de la Free Software Foundation, « qu’est-ce qu’un logiciel libre ? » http://www.gnu.org/philosophy/free-sw.fr.html (page visitée le 22/02/07)

19« Classement des logiciels libres comme patrimoine de l’humanité » sur le site de Free Software Foundation Europe http://www.fsfeurope.org/projects/mankind/mankind.fr.html (page visitée le 22/02/07)

20« Free & Open Source Software Portal » http://www.unesco.org/webworld/portal_freesoft/ (page visitée le 22/02/07)

21G. BERKELEY, Trois dialogues entre Hylas et Philonous, GF Flammarion, Paris 1998.

22J. LOCKE, Essai sur l’entendement humain ; livres III et IV, Vrin, Paris, 2006.

23G. BERKELEY, Notes philosophiques, cité par P. HAMOU, Le vocabulaire de Berkeley, Ellipses, Paris, 2000, p. 26.

24Contrairement à ce qu’affirme Lénine, « matérialisme dialectique » n’a jamais été formulé ainsi par Marx. C’est le parti marxiste-léniniste qui a développé ce concept en même temps que le « matérialisme historique ».

LÉNINE, Matérialisme et empiriocriticisme, préface à la première édition, Archives internet des Marxistes, http://www.marxists.org/francais/lenin/works/1908/09/vil19080900b.htm (page visitée le 12/02/07)

25« Il s’agit pour moi non plus de brosser des toiles mais plutôt d’établir d’une manière permanente et bien durable entre moi et cette nature, qui en fait ne font qu’un, la toile NÉO-FIGURATIVE à la fois la plus réelle et la plus immatérielle qui existe […] » Salle 7 (Cosmogonies) de l’exposition « Yves Klein, corps, couleur, immatériel » au Centre Georges Pompidou, 15 octobre 2006 – 28 janvier 2007. Citation extraite de Yves Klein, Le Dépassement de la problématique de l’art et autres écrits, École nationale supérieure des beaux-arts, Paris, 2003.

26Revue de Vito Acconci et Bernadette Mayer (information transmise par Ghislain Mollet-Viéville).

27Pour paraphraser Jacques Lacan : « Nous croyons que nous disons ce que nous voulons, mais c’est ce qu’ont voulu les autres, plus particulièrement notre famille, qui nous parle. […] Nous sommes parlés, et à cause de ça, nous faisons, des hasards qui nous poussent, quelque chose de tramé – nous appelons ça notre destin. »

J. LACAN Joyce le symptôme I in Joyce avec Lacan, sous la direction de Jacques Aubert, Bibliothèque des Analytica, Navarin, Paris, 1987, p. 22-23.

28 B. PASCAL, Pensées, Gallimard, Folio, 1977, série XXII, 467, p. 330.

29http://youtube.com (page visitée le 22/02/07)

30Selon l’affirmation célèbre : « chacun est un artiste».

31Selon la définition qu’en donne Michel de CERTAU, L’invention du quotidien, 1/ arts de faire, Gallimard folio essais, 1990.

32Nouvelles Technologie de l’Information et de la Communication.

33J. P. BALPE, « le même et le différent », Transitoire Observable, http://transitoireobs.free.fr/to/article.php3?id_article=11 (page visitée le 12/02/07)

34« Auctor, c’est « celui qui accroît, qui fait pousser, l’auteur », traduisent couramment les dictionnaires latins. Conrad de Hirsau, grammairien du xie siècle, explique dans son Accessus ad auctores : « L’auctor est ainsi appelé du verbe augendo (« augmentant »), parce que, par sa plume il amplifie les faits ou dits ou pensées des anciens. »

A. COMPAGNON, « Qu’est-ce qu’un auteur ? », cours de licence Université de Paris IV-Sorbonne UFR de Littérature française et comparée, site Fabula.org http://www.fabula.org/compagnon/auteur4.php (page visitée le 14/02/07)

35Définition du Jargon Français http://www.ordiworld.com/jargon/H/hacker.html (page visitée le 14/02/07)

36E. S. RAYMOND, « Comment devenir un hacker ? », Libres enfants du savoir numérique, antholgie du « Libre » préparée par Olivier Blondeau & Florent Latrive, L’Éclat, 2000, disponible intégralement sur

http://www.freescape.eu.org/eclat/3partie/Raymond2/raymond2txt.html (page visitée le 14/02/07)

37A. MOREAU « Comment devenir un artiste ? » http://antoinemoreau.net/artiste.html (page visitée le 14/02/07)

38E. S. RAYMOND, idem.

39P. HIMANEN, L’Éthique hacker et l’esprit de l’ère de l’information, Exils, Paris, 2001.

40 T. HANCOCK, « Le logiciel libre est-il communiste ? Peut-être… » Terry Hancock (traduction collective framablog.org) http://framablog.org/index.php/post/2007/02/20/logiciel-libre-communiste (page visitée le 22/02/07)

41Le projet GNU e la Free Software Foundation.

42Le système d’exploitation Linux

43Les systèmes d’exploitation BSD.

44Le langage PHP.

45Le logiciel d’édition en ligne SPIP.

46Le logiciel de retouche d’image The Gimp

47Le gestionnaire de base de données MySQL

48Le logiciel pour la web Firefox

49Le logiciel pour le courrier électronique Thunderbird.

50« Abrév. de Transmission Control Protocol / Internet Protocol. Terme générique désignant l’ensemble des protocoles utilisés sur l’Internet. C’est un langage universel qui permet aux ordinateurs d’échanger des informations. » Dictionnaire sur les vocables utilisés dans le domaine des nouvelles technologie de l’information et de la communication http://adevim.ifrance.com/dicocont/dicor.htm (page visitée le 23/02/07).

51« RFC (Requests for Comments) Documents officiels de l’IETF (Internet Engineering Task Force) qui fournissent des informations détaillées sur les protocoles de la famille TCP/IP » idem.

52GNU is Not UNIX, projet de la Free Software Foundation qui formalise le logiciel libre avec la licence GNU/GPL. http://gnu.org (page visitée le 23/02/07).

53http://fsf.org (page visitée le 23/02/07).

54Licence libre copyleft pour les logiciels http://www.gnu.org/copyleft/gpl.html (page visitée le 23/02/07).

55Selon la Fondation Ynternet.org, acteur important du mouvement du Libre. http://www.ynternet.org/info/117158.html (page visitée le 19/02/07). Pour avoir pris part à cette discussion, nous avons préféré l’incertitude et l’indécision volontaire pour laisser l’erreur maîtresse d’un jeu de pouvoir auquel nous ne voulons pas prendre part. Si nous mettons dans cet article la majuscule, c’est pour avouer et montrer le dogmatisme réellement possible et sans doute déjà acté du mouvement du logiciel libre et de l’art libre. En mettant ici des minuscules nous affirmons notre distance critique et notre liberté inaliénable, imprenable et incompréhensible. Tout en prenant part et en étant acteur du mouvement. Sans doute ici, une dimension artistique qui s’affirme, comme nous l’avons évoqué auparavant.

56https://artlibre.org (page visitée le 14/02/07)

57Rédigée par Mélanie Clément-Fontaine et David Geraud, juristes et Isabelle Vodjdani et Antoine Moreau, artistes.

58Extrait du prologue de la Licence Art Libre 1.2.

59A. RIMBAUD, « Lettre à Georges Izambard du 2 novembre 1870 », Oeuvres complètes, correspondance, Robert Laffont Bouquins, p. 222.

60« L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. PASCAL, Pensées, fragments 186, Gallimard Folio, 1977, p. 161.

61Contrairement à la vision hégélienne et marxiste, mais en prolongeant la problématique de la fin de l’histoire et de l’art vers l’infini de la création. Nous n’avons pas l’espace ici pour développer ce point important.

62 Extrait d’une traduction en français de L. LESSIG, Free Culture: The Nature And Future Of Creativity, Penguin Books, 2005. http://www.framasoft.net/article3117.html (page visitée le 14/02/07)

63Développant une « polémologie de l’esprit », Bernard STIEGLER, philosophe, directeur du développement culturel au Centre Georges Pompidou, en appelle à « trouver de nouvelles armes » pour permettre à l’esprit de ne pas être vaincu par la misère symbolique contemporaine. Son séminaire est disponible sur le site de son association, « Ars Industrialis », par exemple la conférence du 19 octobre 2005 : http://www.arsindustrialis.org/Members/bstiegler/cip/19octobre2005 (page visitée le 15/02/07)

64http://creativecommons.org (page visitée le 15/02/07)

65Données fournies le 13/02/07 par François Déchelle, responsable technique de Creative Commons France. Nous avons calculé en aditionnant 4 licences non-libres (by-nd, by-nc, by-nc-sa, by-nc-nd) considérant seules libres les licence by-sa et by.

66H. LE CROSNIER « Construire le libre-accès à la connaissance », Intervention lors du colloque « Entre public et privé : les biens communs dans la société de l’information » le 20 octobre 2005. Colloque organisé par les Presses de l’Université de Lyon pour la parution en français de l’ouvrage « L’avenir des idées » de Lawrence Lessig. http://archives.univ-lyon2.fr/60/04/lecrosnier_01.htm (page visitée le 15/02/07)

67J. DE ROSNAY, La révolte du pronetariat, des mass média aux média s de masse, Fayard, 2006, disponible sous licence Creative Commons by-nc-nd 2.5 http://www.pronetariat.com/livre (page visitée le 15/02/07)

68S. LEYS, Essais sur la Chine, Robert Laffont, Bouquins, Paris 1999.

69« We recommend using the Free Art License, rather than this one [une licence Creative Commons], so as to avoid augmenting the problem caused by the vagueness of « a Creative Commons license ». »

http://www.fsf.org/licensing/licenses/index_html#OtherLicenses (page visitée le 22/02/07)

& « We don’t take the position that artistic or entertainment works must be free, but if you want to make one free, we recommend the Free Art License. » http://www.gnu.org/licenses/licenses.html (page visitée le 22/02/07)

70P. LÉVY, L’intelligence collective. Pour une anthropologie du cyberspace, La Découverte, 1997.

71Idem, quatrième de couverture.

72http://www.flickr.com/ (page visitée le 22/02/07)

73http://www.netvibes.com/ (page visitée le 22/02/07)

74http://del.icio.us/ (page visitée le 22/02/07)

75K DUBOST, « Esclavage 2.0 : Eux, nous et moi. » traduction Julien Smith, http://www.la-grange.net/2006/03/29.html (page visitée le 22/02/07)

76« Le pluriel ne vaut rien à l’homme et sitôt qu’on est plus de quatre on est une bande de cons. » G BRASSENS, « le pluriel » La non demande en mariage, 1966 (disque philips 6499-784)

77P. LEGENDRE, Ce que l’Occident ne voit pas de l’Occident, Mille et une Nuits collection Les quarante piliers, 2004, p. 98.

78« Pour protéger vos droits, il nous est nécessaire d’imposer des limitations qui interdisent à quiconque de vous refuser ces droits ou de vous demander d’y renoncer. » General Public licence, traduction française non officielle, http://fsffrance.org/gpl/gpl-fr.fr.html (page visitée le 119/02/07).

79« Il est interdit de faire main basse sur le travail collectif qui est à l’oeuvre, interdit de s’accaparer les ressources de la création en mouvement pour le seul bénéfice de quelques uns. » Licence Art Libre 1.2, https://artlibre.org/licence/lal (page visitée le 119/02/07).

80« […] un mythe quel qu’il soit ne saurait être traité comme une maladie, cet aspect de l’interprétation sociale du discours étant une tout autre question. Les Occidentaux, parleurs de cette mythologie particulière, ne sont pas plus normaux ou anormaux que le reste de l’humanité ; ils ont simplement élaboré et continuent d’élaborer, sur un mode répétitif que seule la transformation industrielle est en mesure d’entamer, une fantasmagorie du pouvoir présentant certains traits particuliers en rapport avec le monothéisme trinitaire. Par conséquent, si je dis que les énoncés mythologiques traitent de la pureté sur le mode obsessionnel, cela n’implique évidemment pas que les ressortissants ou sujets sociaux de ce mythe soient des obsessionnels, par nécessité anthropologique en somme. Mon assertion comporte en revanche que le discours dogmatique des institutions, tout comme le discours qualifié d’obsessionnel par la clinique analytique, fonde la pureté sous forme de réponse symptomatique à la question : qui est-ce qui jouit ? En d’autres termes, la religion du pouvoir inscrite dans le Texte occidental, définit idéalement la politique comme réponse à la même question, en disant : celui qui jouit, c’est l’Omniscient, le grand Autre, l’X éternel et lui seul. On ne peut jouir du pouvoir qu’en se mettant à sa place, à la place du pouvoir, en entrant dans la zone de pureté, là où il ne peut pas être question d’argent, parce que c’est le royaume de l’Un, du Sexe unique, de l’Unisexe, qui ne connaît ni la saleté ni la différence. L’État est pur, parce qu’il est à la place du Maître absolu. »

P. LEGENDRE, Jouir du pouvoir, Éditions de Minuit, Paris, 1976, p. 141

 

 

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