Copyleft et Licences libres, quels enjeux pour l’art et la culture ?
Le libre accès aux œuvres est désormais un enjeu de société. Coextensive au développement d’internet et des technologies numériques qui bouleversent l’économie de la création, la liberté de copier, utiliser, modifier et redistribuer les œuvres apparaît comme un levier déterminant pour l’émergence d’un nouvel écosystème qui n’a pas encore exprimé toute sa puissance. Dans ce contexte, les licences libres sont perçues par certaines sociétés d’auteurs comme un danger pour le copyright et les anciens modèles économiques encore en vigueur.
L’utilité des licences libres n’est plus à démontrer dans le domaine du logiciel, et bon an mal an, la multiplicité de ces licences, parfois compliquée de doubles licences, n’a pas empêché le développement des logiciels libres. Mais qu’en est il pour la création artistique ou les publications académiques ? Comment la liberté de copier, utiliser, modifier et redistribuer peut favorise la préservation et la diffusion des œuvres en tant que bien commun de l’humanité ? En quoi est-il également avantageux d’utiliser des licences libres pour la musique, la littérature, les arts plastiques, les publications éducatives ou scientifiques ?
Bien que tous ces genres relèvent du même régime de propriété littéraire et artistique, on observe des différences non négligeables selon les domaines d’activité. Ces différences peuvent être relatives à la nature des productions, à leurs finalités, aux processus de création et usages sociaux en vigueur dans les milieux professionnels ou encore aux modèles économiques dans lesquels ces activités trouvent leur conditions de viabilité. Aussi, il est parfois difficile d’imaginer concrètement comment l’application des licences libres peut fonctionner dans un autre domaine quand on raisonne avec les conventions de son propre champ de compétences.
La nécessité de transposer les principes fondamentaux du libre dans des formulations juridiques qui soient adaptées à d’autres objets que le logiciel est indéniable. Mais jusqu’où et selon quels critères est il souhaitable de pousser la spécialisation -et par conséquent la multiplication- des licences libres ? Comment se repérer dans le foisonnement des licences copyleft, libres ou semi-libres ?
Paradoxalement, les problèmes de compatibilité entre des licences voisines telles que la Licence Art Libre et la CC by-sa risquent à terme de découper des territoires alors que l’intention première est d’ouvrir les possibilités de réutilisation créative. Par ailleurs, la multiplication des licences semi-libres ou trop spécialisées introduit de nouveaux découpages et des complications propres qui finissent par produire une perception très confuse des licences libre. A quel niveau et comment peut-on dégager une norme ? Quelles solutions peut-on envisager pour surmonter ces problèmes de compatibilité ?
Nous discuterons ces questions en tentant d’esquisser les enjeux liés à l’utilisation des différentes licences.